SPINO MON AMIGO...



J'aime bien les films d'action. Ce qui est assez drôle – je suis sûr que vous allez vous tordre – c'est que « je me suis donné l'envie à moi-même »... par l'intermédiaire de mon fils. Quand les enfants s'ennuient, on leur passe des dessins-animés. Plus tard, quand ils sont vieux, vers l'âge de 9 ans, qu'on a épuisé tous les Dysney les PiXar et compagnie, on commence par leur passer des films d'action...genre Alien… je déconne… des films dans lesquels il se passe des choses concrètes. A leur âge, ce qui leur parle est clairement explicite. Du coup, en passant des films pour mon fils, et en regardant avec lui, je me suis rendu compte que c'était plaisant, tout comme les dessins-animés d'ailleurs. J'en ai tiré une leçon personnelle, c'est que quelqu'un qu'on aime a tout lieu de nous faire découvrir et aimer des choses pour lesquelles on avait au départ aucune inclination. Bon... le problème, c'est qu'il faut aimer des gens, ce qui je vous l'accorde est assez cachalot. Ben... oui c'est assez cachalot... Mais bon, en en rencontrant un seul, on est susceptible, selon la théorie déduite, d'en aimer d'autres, ce qui ouvre des horizons incommensurables.

Mais je ne voulais pas du tout parler de ça. Je suis en train de lire un livre sur Spinoza de Maxime Rovere dont le titre est « méthodes pour exister ». Je suis un inconditionnel des écrits de Spinoza (1632-1677). C'est peut-être le seul philosophe qui ait réellement changé ma perception du monde et de moi-même.

Chez Spinoza, on ne distingue pas la puissance de l'acte. Ce n'est qu'une seule et même chose. Ou disons plus précisément, que le rapport entre la puissance et l'acte est immédiat. Alors qu'Aristote s’évertue à penser, et ce depuis 384 avant JC, qu'il y a des choses « en puissance », des choses possibles, et de l’autre, des actes. Oh la poussière... Le pire c'est qu’aujourd'hui, on en soit encore à penser des choses qui ont été mâchée dans le vieux cerveau de l’homme qu'est Aristote. Pour Spinoza, plus jeune, les événements sont ou ne sont pas, mais ils ne demeurent pas potentiellement jouables. Se décider, ce n'est pas s'imposer un choix, c'est au contraire, accumuler les informations nécessaires afin que le choix s'opère de lui-même sans l'intervention magique de la volonté. Car si la volonté était toute puissante, je serais en train de faire du sport, et vous auriez arrêté de fumer. « Oui mais si on a pas de volonté pour ça... ». La volonté, ce n'est pas quelque chose de fluctuant, qui serait selon le vent arrangeant ou non. On ne décide en rien d'avoir de la volonté ou pas apparemment. Donc notre pouvoir est minable. Ne déprimez pas tout de suite, je n'ai pas fini. Cherchez en vous-même ce qu'est la volonté. Vous verrez que ça n'a pas de sens et avec elle toutes ces expressions où il est question de se dépasser. De dépasser quoi. Physiquement c'est vertigineux. Je cours le cent mètres mais je me dépasse par la volonté alors j'arrive plus vite, parce que je l'avais décidé. J'exagère, mais je grossis à peine le trait. J’en vois certains qui pense « ben oui... ». Si on ne peut pas, on ne peut pas. La notion d'effort et de mérite alors. Ce n'était qu'une fable, une fiction, du vent. Alors que si on considérait le désir plutôt que la volonté, on obtiendrait quelque chose de cohérent. C'est le désir qui nous anime, pas comme un manque de quelque chose qu'il faudrait combler, mais comme une force résolument positive qui nous fait avancer. Alors « va où ? » , comme s'interroge la poétesse ? Nous allons et retournons toujours à notre essence, à ce qui nous est fondamental, aux désirs que nous portons et qui nous animent. On ne change pas… comme chante la chanteuse... fondamentalement. Je me surprends à faire aujourd'hui ce que j'ai toujours fait lorsque j'étais gosse. Et rien à voir avec la maturité. La maturité met en forme des désirs qui préexistaient déjà. La maturité, c'est l'expérience de son propre désir, de son propre moteur. Il n'y a pas de métamorphose fantastique. On ne transforme pas un chien en chat, de l'eau en vin, le plomb en or. Par nature, les gens comme les choses persévèrent dans leur être. « Chaque chose, autant qu'il est en elle, s'efforce de persévérer dans son être. »( Éthique III Proposition VI). C'est le concept de Conatus. Le surhomme c'est pas pour demain. Pour autant, je trouve cela plutôt positif. On pourrait penser devenir un légume sans la volonté, mais il n'en est rien. Laissez le désir agir. Si l'on comprend cela, on fait le bénéfice paradoxal d'un grand sentiment de liberté et de sérénité. Notre supposée responsabilité sur le cours des événements est mise en berne, au bénéfice de la connaissance des moyens de persévérer dans notre être, ou autrement dit, de préserver et de développer et d'éclairer, encore une fois par la connaissance, notre désir dans ses actions. Les échecs sont alors sans regrets inutiles et vains, mais nous apprennent ce qui n'est pas bon pour nous. Il est évident que lorsqu'on cultive et mûrit cette perception de nous-même, on s'expose à moins de désillusions foudroyantes. On apprend à se tolérer, voire s'aimer, et on est davantage enclin à aimer les autres pour ce qu'ils sont avec leurs « qualités » et « défauts ». Et pour cela, nul besoin de religion, de commandements, de lois, de coercition.

Profondément, je suis grâce à Spinoza, arrivé à un certain degré de sérénité, d'entente avec moi-même. Je me tolère davantage. Je souris à mes petits et mes gros travers. Je regarde ceux des autres avec tendresse, même si par jeu, j'aime bien flinguer, de manière générale et sans citer de noms, quelques traits de l'humanité dans lesquels je me retrouve.

Pour moi, on change sa propre perception du monde, non pas le monde, ni même on ne se change soi-même. On évolue selon une fonction mathématique qui crée selon son avancée des courbes, mais c'est bien la même fonction qui conditionne notre parcours. C'est pourquoi on a raison de parler d'identité humaine.

Le seule moyen d'action est, comme nous le conseille Spinoza, d'éclairer notre chemin. On aurait pas idée de marcher à l'aveugle.

Ce que j'aime chez Spinoza, c'est sa manière d'envisager la vie sous l'angle positif. On va, avec lui, toujours de l'avant. Pas de retour en arrière. Pas de négation. Tout va dans le même sens, avance, se développe inexorablement. Il nous suffit d'être d'accord avec notre propre fonction mathématique, notre propre déterminisme, accepter d'être et de cultiver son éclairage. Si je suis en désaccord avec moi-même, parce que je ne me connais pas bien, parce qu'une cause extérieure vient déterminer mes actes, je ressens de la tristesse.

Ce n'est pas tant l'action en tant que telle qui soit condamnable, mais ses dérives. Pour atteindre, un but, les étapes sont multiples et les intermédiaires aussi nombreux que les compromis. Ces derniers nous amènent souvent à l'opposé de ce que nous espérions au départ. Le chemin qui mène à soi est souvent le plus direct, celui qu'on ne veut pas voir, qui nous est maqué parfois, un peu comme zorro.

Je pense aussi que notre époque nous a perdu. Entre les intellectuels incompréhensibles (Deleuze, Derrida et d'autres dont j'adore cependant l'écriture alambiquée et certainement trop puissante pour moi voire pour tous) et dont les préoccupations sont loin d'être pratiques - leurs écrits ne servent pas à vivre - les politiques qui ne défendent plus l'intérêt publique et font l'inverse de ce qu'ils promettent, la médiocrité des médias et en particulier de la télévision qui surfe sur ces « valeurs » qui nous tirent vers le bas : le voyeurisme, la cupidité, la paranoïa, le nombrilisme, et j'en passe. Des pseudo-valeurs contre lesquels Spinoza en son temps nous mettait en garde : la réputation, le plaisir, la richesse, tout en précisant que ces biens ne sont pas mauvais en eux-mêmes, mais que c'est leur recherche inconditionnelle, déraisonnable, prioritaire, qui nous met sur la voie du malheur. Or ce sont précisément les moteurs de nos sociétés aujourd'hui.

Je ne suis pas philosophe du tout… Je n’ai pas cette prétention...Je partage juste comme un blogueur mon expérience, ma pensée. Et bienveillant comme je suis – j’ai pas envie de vivre dans un monde d’abrutis -si je suis capable de trouver cette sérénité, et ce bien-être . Peut-être que vous aussi, vous pourriez connaître plus de joie durable. Il est possible que vous trouviez le salut dans d'autres philosophies. Je vous le souhaite.