les gens heureux font chier parfois
même les plus tolérants vous surprendront par des petites phrases qui déraillent à l’égard de ceux qui ne sont rien qui n’ont rien qui ont des problèmes qui n’ont pas de solutions bref les gens malheureux
je parle d’abord de la pauvreté qui est un des facteurs qui entraînent naturellement vers le malheur et surtout dans un contexte vécu comme un décalage
la pauvreté n’induit pas le malheur mais enfin soyons honnêtes cela y contribue
par contre vivre dans un contexte pauvre et voir parfois ce qu’on nous montre à la TV de reportages qui respirent l’argent ça a le don de renvoyer à des questions existentielles
pourquoi est-on là pourquoi lui et pas moi pourquoi dans ce pays et lui ailleurs
sans même la jalousie – on ne peut pas vouloir que tout le monde soit pauvre et malheureux – on peut se poser la question de savoir quelle perception ont ces gens sur les jets-skis sur des îles paradisiaques concernant les pauvres on doit souvent sa réussite à soi-même en oubliant tout le contexte la famille l’argent disponible de départ pour condamner sévèrement le pauvre qui n’a rien demandé et qui gâche la vie avec son malheur c’est un peu comme quand on croise dans les villes des sans domicile fixe – la belle expression – on est à un degré supérieur d’indifférence de la personne que nous étions une minute plus tôt
l’indifférence est partout
les bénévoles des associations contrebalancent cette indifférence mais faiblement compte tenu de tout ce qu’il y a à faire
par contre si ces bénévoles n’étaient pas là tout le système s’effondrerait
dans leur monde normal où rien ne cloche vraiment les gens heureux – je n’ai rien contre eux – peuvent arriver la mine réjouie avec des chocolats de qualité et exposer leurs problèmes sans craindre de gêner qui que ce soit le pauvre arrive avec un sourire en demi-teinte les mains pleines de doigts pour la plupart et bien souvent il n’arrive pas car il n’a tout simplement pas été invité j’ai une tendresse particulière pour les gens qui ont traversé ou qui traversent - parce que parfois on oublie vite qu’on a galéré - l’hostilité l’impopularité la pauvreté le mépris ils m’intéressent davantage que ceux qui les critiquent
le bonheur est un idéal et un devoir moral s’il y a un impératif catégorique c’est celui de tendre vers le bonheur la vie puisque nous y sommes embarqués heureusement il existe des gens heureux avec peu ou heureux avec faste mais qui ne font pas dégouliner la tartine de bonheur ni ne méprisent ceux qui sont « moins qu’eux »